
Qui décide concernant le barrage?
Un réel besoin en électricité se fait ressentir au niveau des populations éthiopiennes. En effet, selon l’Agence Internationale de l’énergie, l’Éthiopie a connu une croissance de +529% au niveau de ses besoins en électricité annuels.
La production d'énergie primaire en Éthiopie repose entièrement sur les énergies renouvelables et presque uniquement sur la biomasse (bois et déchets agricoles) : 98,2 % en 2014, et marginalement sur l'hydroélectricité : 1,7 %.
Pour pallier à cela, le gouvernement Éthiopien, sous l’impulsion de feu le premier ministre Meles Zenawi, partisan du développement son pays à marche forcée, ainsi que son parti (l'EPRDF) qui régnaient sans partage sur le pays pendant les années 90 et 2000. Ledit gouvernement éthiopien de Zenawi, issu l'ancienne guérilla marxiste tigréenne applique une politique active et très planifiée développement des infrastructures. Une marche forcée qui ne s'embarrasse guère du sort des populations vivant initialement sur le tracé des chantiers. Mais pas un mois ne s'écoule sans une inauguration route, d'université, d'école ou dispensaire. « La plupart ces réalisations sont financées par des prêts ou des aides internationales, mais l'Éthiopie est l'un des rares pays d'Afrique où les projets sont menés à bien, où la corruption n'engloutit pas l'argent prévu», remarque un diplomate occidental, d’après Le Monde.
Cet élan peut être encore observé sous l’égide d’Abiy Ahmad. On peut observer une même fermeté quant à la politique de construction de barrages et de l’orientation vers les énergies électriques. Celui-ci a annoncé aux députés éthiopiens en octobre 2019 qu'aucune force ne pourrait empêcher l'Éthiopie de construire le barrage de la Renaissance, projet pharaonique du plus grand barrage d’Afrique sur le Nil Bleu, évoquant l'arrêt des négociations sur le projet, illustrant ainsi la volonté du pays à poursuivre sa politique de construction de barrages. La section "Politique de réalisation du barrage" explicite davantage cet aspect fondamental de notre problématique.
Signe fort de la fermeté de sa position, celui-ci évoque même la guerre : « Il n'y a pas d'autres options. La guerre ne peut être une solution. Mais si nécessaire, l'Éthiopie peut mobiliser un million de personnes », avant d’ajouter : « Aucune force ne peut empêcher l'Éthiopie de construire le barrage »
La porte de la collaboration internationale et de l’écoute a cependant été ouverte par M. Ahmad : « Il n'y a aucune intention de la part du gouvernement éthiopien de nuire aux peuples et aux gouvernements soudanais et égyptien » a souligné le premier ministre éthiopien, et que « Le peuple et le gouvernement égyptiens en bénéficieront s'ils soutiennent directement la stratégie de développement vert de l'Éthiopie ».
La collaboration internationale est en effet au centre même de la politique de construction des barrages. Car si ces objectifs sont ambitieux, ils requièrent énormément de ressources, ce qui pousse les gouvernements en place à considérer des financements étrangers, comme l’illustre notamment notre sujet, Gibe III : Sollicitée pour son financement, la Banque mondiale et la Banque africaine de développement avaient réservé leur réponse, estimant que le pays doit diversifier ses investissements, surveiller le niveau son endettement, mieux évaluer l'impact écologique et humain.
Qu'à cela ne tienne. L'Ethiopie a sollicité la Chine. Le 19 mai 2009, le chef exécutif de la compagnie éthiopienne d'électricité (EEPCo), Mihret Debebe, et le président la Dongfang Electric Corporation (entreprise chinoise), Luo Zhigang, ont signé un protocole d'accord 459 millions dollars destinés à Gibe III. Le coût total du barrage est estimé à 1,5 milliard d'euros (pour un PIB de 21 milliards d'euros en 2009), mais l'Éthiopie a décidé d'avancer les travaux avant même d'avoir bouclé le financement total l'opération. Selon Mihret Debebe, la Banque industrielle et commerciale de Chine se serait engagée à couvrir 85 % du coût total. Et les Chinois Sino- hydro étudient déjà la construction d'un Gibe IV et V, toujours sur l'Omo.
L’Italie a elle aussi été très présente en ce qui concerne les divers barrages éthiopiens. Une fois encore, c’est une entreprise italienne, Salini Impregilo, qui prendra en charge les travaux de construction dudit barrage.
On peut donc voir que le plan de construction des divers barrages Éthiopiens, et notamment Gibe III, le plus récent complété, dépend de la volonté ferme du gouvernement en place, qui a montré maintes et maintes fois que ce cheminement est une priorité nationale, quitte à susciter quelques polémiques. Mais, même si le gouvernement ne recule devant rien ni personne, on peut aussi comprendre que certaines entités étrangères peuvent aussi avoir une légère influence vis à vis de certains aspects des projets, celles-ci apportant financements et expertise technique.